La crise des
missiles de Cuba ravive en vous le souvenir embrumé de vos cours d’histoire ?
Si nous avons choisi de vous rafraîchir la mémoire, c’est parce qu’en matière
de négociation le dénouement de cette crise constitue un cas d’école. Même s’il
y a peu de chances que vous vous retrouviez, tel John F. Kennedy, le doigt sur
le bouton nucléaire, la nature des échanges entre le président américain et son
homologue soviétique vous semblera peut-être familière : il nous est à tous
arrivé, lors d’une discussion serrée, de commencer par tenter de passer en
force, avant de céder du terrain pour obtenir une contrepartie.
Malgré leur
diversité, les négociations que nous menons peuvent s’apparenter à cinq grands
types de pourparlers, que nous vous présentons au travers d’exemples marquants
de ces cinquante dernières années. «Chaque négociation emprunte un peu à l’un
ou l’autre de ces modèles», explique Aurélien Colson, directeur de l’Institut
de recherche et d’enseignement sur la négociation et coauteur de «Méthode de
négociation». Bien identifier la situation dans laquelle vous vous trouvez vous
aidera à anticiper les coups de la partie adverse. Et à conclure le round à
votre avantage.
Crise de cuba, 1962 : confrontation puis coopération
Le contexte. En pleine guerre froide,
l’URSS déploie chez son allié cubain, traumatisé par une tentative de
débarquement des émigrés cubains appuyée par la CIA, des missiles nucléaires
pointés sur les Etats-Unis. Les installations sont découvertes par un avion
espion américain le 14 octobre 1962.
L’enjeu. Le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev impose une épreuve de force à John Kennedy, qui vient d’être élu. Il doute de la fermeté du président américain et choisit de défier les Etats-Unis à200 kilomètres de
leurs côtes.
Les blocages. Le bras de fer dure deux semaines. En organisant un blocus autour de Cuba et en menaçant directement le territoire soviétique de représailles si les missiles ne sont pas démantelés, Kennedy fait monter la pression. Mais en s’engageant par écrit à ne pas envahir Cuba, il laisse une porte de sortie à son adversaire : implicitement, il lui offre de revenir au statu quo ante. Khrouchtchev, lui, souffle le chaud et le froid : dans un télégramme à Kennedy, il se dit prêt à négocier, mais laisse abattre un avion espion américain au-dessus de Cuba. Dans un deuxième courrier au président américain, il fait mine de refuser toute discussion.
L’issue. En s’engageant à ne pas envahir Cuba et à retirer de Turquie des missiles américains pointés sur l’URSS, Kennedy obtient le 28 octobre 1962 que Khrouchtchev ordonne le démantèlement des sites de missiles cubains.
L’enjeu. Le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev impose une épreuve de force à John Kennedy, qui vient d’être élu. Il doute de la fermeté du président américain et choisit de défier les Etats-Unis à
Les blocages. Le bras de fer dure deux semaines. En organisant un blocus autour de Cuba et en menaçant directement le territoire soviétique de représailles si les missiles ne sont pas démantelés, Kennedy fait monter la pression. Mais en s’engageant par écrit à ne pas envahir Cuba, il laisse une porte de sortie à son adversaire : implicitement, il lui offre de revenir au statu quo ante. Khrouchtchev, lui, souffle le chaud et le froid : dans un télégramme à Kennedy, il se dit prêt à négocier, mais laisse abattre un avion espion américain au-dessus de Cuba. Dans un deuxième courrier au président américain, il fait mine de refuser toute discussion.
L’issue. En s’engageant à ne pas envahir Cuba et à retirer de Turquie des missiles américains pointés sur l’URSS, Kennedy obtient le 28 octobre 1962 que Khrouchtchev ordonne le démantèlement des sites de missiles cubains.
Accords de grenelle, 1968 : coopération puis confrontation
Le contexte. Mai 1968 : à Paris, le Quartier latin est couvert de barricades,
tandis que grèves et occupations d’usines se succèdent partout en France.
L’enjeu. La priorité pour le gouvernement est de mettre fin à la paralysie du pays en entamant des négociations avec les syndicats. Débordée, la CGT recherche aussi une solution d’apaisement.
Les blocages. Les deux parties commencent par s’entendre. En échange de la promesse de la fin des débrayages, le Premier ministre Pompidou s’engage sur l’augmentation de 25% du Smig, de 10% des salaires, etc. Les accords sont signés le 27 mai… mais rejetés par les ouvriers de Billancourt. La crise repart de plus belle.
L’issue. Elle résulte du «coup de force» de de Gaulle qui, à son retour de Baden-Baden, annonce la dissolution de l’Assemblée et la tenue d’élections législatives. Le 30 mai, 800 000 personnes manifestent leur soutien au Général.
L’enjeu. La priorité pour le gouvernement est de mettre fin à la paralysie du pays en entamant des négociations avec les syndicats. Débordée, la CGT recherche aussi une solution d’apaisement.
Les blocages. Les deux parties commencent par s’entendre. En échange de la promesse de la fin des débrayages, le Premier ministre Pompidou s’engage sur l’augmentation de 25% du Smig, de 10% des salaires, etc. Les accords sont signés le 27 mai… mais rejetés par les ouvriers de Billancourt. La crise repart de plus belle.
L’issue. Elle résulte du «coup de force» de de Gaulle qui, à son retour de Baden-Baden, annonce la dissolution de l’Assemblée et la tenue d’élections législatives. Le 30 mai, 800 000 personnes manifestent leur soutien au Général.
Accord sur les 35 heures, 1997 : confrontation puis passage en
force
Le contexte. Le gouvernement de Lionel Jospin fait
des 35 heures la mesure phare de son programme économique, avec l’objectif de
créer 700 000 emplois.
L’enjeu. Ministre des affaires sociales, Martine Aubry doit convaincre le CNPF (ancêtre du Medef) opposé à une réduction obligatoire du temps de travail et favorable à des conventions collectives dans chaque branche professionnelle.
Les blocages. Ils apparaissent dès le début de la Conférence sur l’emploi et les salaires, le 10 octobre, à Matignon. Gouvernement et patronat campent sur leurs positions. Rompant les négociations, Martine Aubry annonce une loi avec une date butoir. Le patron du CNPF, Jean Gandois, claque la porte en criant : «Nous avons été bernés tout au long de la journée !»
L’issue. Gandois démissionne du CNPF le 13 octobre. La loi «Aubry I» est votée le 13 juin 1998. Aujourd’hui, le Medef est toujours opposé aux 35 heures.
L’enjeu. Ministre des affaires sociales, Martine Aubry doit convaincre le CNPF (ancêtre du Medef) opposé à une réduction obligatoire du temps de travail et favorable à des conventions collectives dans chaque branche professionnelle.
Les blocages. Ils apparaissent dès le début de la Conférence sur l’emploi et les salaires, le 10 octobre, à Matignon. Gouvernement et patronat campent sur leurs positions. Rompant les négociations, Martine Aubry annonce une loi avec une date butoir. Le patron du CNPF, Jean Gandois, claque la porte en criant : «Nous avons été bernés tout au long de la journée !»
L’issue. Gandois démissionne du CNPF le 13 octobre. La loi «Aubry I» est votée le 13 juin 1998. Aujourd’hui, le Medef est toujours opposé aux 35 heures.
Rachat de Nissan, 1999 :
coopération sur toute la ligne
Le contexte. Le marché mondial de l’automobile connaît sa plus forte
crise en vingt ans. Renault et Nissan la subissent durement. Autour d’eux,
certains de leurs concurrents (notamment Daimler et Chrysler) fusionnent.
L’enjeu. Renault doit accélérer son internationalisation et améliorer sa compétitivité. Nissan souhaite retrouver la rentabilité tout en évitant un rachat hostile par un groupe étranger.
Les blocages. Il n’y en eut aucun. Au cours des huit mois de pourparlers, le PDG de Renault, Louis Schweitzer, veilla à donner à son homologue japonais des preuves que le rachat ne serait pas une fusion mais une alliance : échanges d’informations, visites croisées d’usines…
L’issue. Aux termes de l’accord signé le 27 mars, Renault détenait 44,3% de Nissan et Nissan 15% de Renault. Le directoire était composé à égalité
de membres des deux sociétés. Et, surtout, Nissan conservait son nom.
L’enjeu. Renault doit accélérer son internationalisation et améliorer sa compétitivité. Nissan souhaite retrouver la rentabilité tout en évitant un rachat hostile par un groupe étranger.
Les blocages. Il n’y en eut aucun. Au cours des huit mois de pourparlers, le PDG de Renault, Louis Schweitzer, veilla à donner à son homologue japonais des preuves que le rachat ne serait pas une fusion mais une alliance : échanges d’informations, visites croisées d’usines…
L’issue. Aux termes de l’accord signé le 27 mars, Renault détenait 44,3% de Nissan et Nissan 15% de Renault. Le directoire était composé à égalité
de membres des deux sociétés. Et, surtout, Nissan conservait son nom.
Sommet de Copenhague, 2009 :
coopération simulée puis confrontation
Le contexte. Les engagements du protocole de Kyoto visant à réduire les
émissions de gaz à effet de serre arrivent à échéance fin 2012. Un accord
international de lutte contre le changement climatique doit leur succéder.
L’enjeu. Trouver un terrain d’entente entre l’Union européenne, qui se pose en championne du développement durable, et les Etats-Unis et la Chine, qui refusent de se voir imposer des contraintes strictes.
Les blocages. Avant la conférence, les grandes puissances rivalisent de bonnes intentions. Mais il apparaît vite que ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni l’Inde ne sont prêts à accepter des engagements chiffrés.
L’issue. C’est un accord a minima qui est signé le 18 décembre. Le texte garde l’objectif d’une limitation du réchauffement climatique à + 2° C, mais supprime l’essentiel des outils pour y parvenir. La stratégie des partisans de l’immobilisme a payé.
L’enjeu. Trouver un terrain d’entente entre l’Union européenne, qui se pose en championne du développement durable, et les Etats-Unis et la Chine, qui refusent de se voir imposer des contraintes strictes.
Les blocages. Avant la conférence, les grandes puissances rivalisent de bonnes intentions. Mais il apparaît vite que ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni l’Inde ne sont prêts à accepter des engagements chiffrés.
L’issue. C’est un accord a minima qui est signé le 18 décembre. Le texte garde l’objectif d’une limitation du réchauffement climatique à + 2° C, mais supprime l’essentiel des outils pour y parvenir. La stratégie des partisans de l’immobilisme a payé.
Cyril Azouvi
Source : Capital Management
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