Par Alexandre Zinoviev
L’histoire de l’humanité a connu différents types de colonisation : l’occupation des terres libres, la colonisation avec métissage, la colonisation avec extermination de la population locale, la levée du tribut sans détruire le système politique et social du pays conquis, l’annexion pure et simple, l’occupation avec transformation forcée selon le modèle du colonisateur, etc. L’occidentisation est une forme spéciale de colonisation qui implique la création forcée d'un système social et politique de démocratie coloniale dans le pays soumis. On peut y voir la poursuite de l'ancienne stratégie impériale des pays ouest-européens, mais dans son ensemble, il s'agit d’un phénomène nouveau. En voici les signes caractéristiques.
La démocratie coloniale n’est pas le résultat de l'évolution naturelle d'un pays en vertu de ses conditions internes et des lois de son système politique et social tel qu'il a été formé par l'histoire. C’est un phénomène artificiel, imposé de l’extérieur à l’encontre de ses possibilités et des tendances de son évolution. Le pays colonisé est arraché au réseau de ses relations internationales traditionnelles, grâce à la destruction de certains blocs de pays ou, même, à la désintégration de grands États, comme cela a été le cas avec l’Union soviétique et la Yougoslavie. Bien entendu, cela est présenté comme la libération du peuple donné de l’oppression de la part d’autres peuples, mais, le plus souvent, les idées de libération et d'indépendance nationale ne sont que des moyens idéologiques de manipuler les masses.
Arraché à son ancien contexte, le pays garde l'apparence de la souveraineté. Des relations de partenariat sont établies avec lui, sur des bases prétendument égalitaires. Si le mode de vie précédent est quelque peu préservé pour la majorité de la population, des noyaux d'une économie de type occidental sont créés sous le contrôle de banques et d'entreprises étrangères. Les attributs extérieurs de la démocratie occidentale sont utilisés pour couvrir un régime non démocratique et pour manipuler les masses. L'exploitation du pays dans les intérêts des colonisateurs se fait par l'intermédiaire d’une partie insignifiante de la population qui s’enrichit de la sorte et atteint un niveau de vie comparable à celui des couches supérieures occidentales.
Le pays colonisé est réduit à un état qui l’empêche de mener une existence indépendante, et ses forces armées bridées de manière à ne plus pouvoir opposer de résistance. Quant à sa culture nationale, elle est rapidement remplacée par celle de l’occidentisme. Les masses, elles, se voient octroyer un succédané de démocratie : licence des mœurs, affaiblissement du contrôle étatique, distractions accessibles et faciles, instauration d’un système de valeurs qui dispense l'individu d’efforts et abaisse les barrières morales.
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